samedi 21 décembre 2013

Faut pas croire aux fantômes !



Vous avez tous lu, bien sûr, ces histoires de « villes fantômes » en Chine, immenses, construites à grands frais et où personne n’habite. Info ou intox ? Contre-enquête.



 L’exode rural se poursuit ici : ce sont vingt à vingt-cinq millions de péquenots par an qu’il faut loger. Les grandes villes existantes, malgré la mise en service de millions de mètres carrés par an, craquent de partout. Des quartiers entiers sortent quotidiennement de terre, sans parvenir à endiguer l’afflux de nouveaux-venus qui gonfle à proportion. De partout, on voit des chantiers. Des immeubles, qui hier encore abritaient des bureaux modernes, sont déjà éventrés, on y voit encore les signes d’une occupation récente et pourtant ils sont promis au remplacement : plus haut, plus grand, plus serré ! Ce n’est pas le tout d’ajouter des mètres carrés habitables : plus d’habitants c’est plus de bagnoles, plus de monde dans le métro, plus de gens dans les parcs le dimanche, etc, etc. Au-delà de dix ou quinze millions d’habitants, vous pouvez dire et faire ce que vous voulez, la ville devient folle. La durée des trajets mange la journée de travail, la pollution devient infernale, les campements insalubres se nichent de partout, la pauvreté et la crasse du moyen-âge reprennent le dessus. Allez voir à Sao Paolo ou à Mumbai si je vous raconte des histoires. Pas de ça chez nous, disent les dirigeants chinois : notre objectif est l’ultra-modernité ! 

Alors ce n’est plus par quartiers, mais par villes entières qu’ils y vont. Shenzhen n’était qu’un projet pilote : désormais la recette Shenzhen s’applique dans l’ouest, au sud, au nord de la Chine, partout où on trouve la place, pour essayer de détourner vers les régions sous-peuplées l’excédent d’habitants de la côte et des mégalopoles. D’où ces villes en préparation. Villes-fantôme, dans le langage sensationnaliste et systématiquement sinophobe de la presse internationale. Qu’en dit la presse chinoise ? Cet article daté de juillet 2010 paru dans le Quotidien du peuple (人民日报) estime à 65 millions le nombre d’appartements inoccupés dans le pays, c’est-à-dire de quoi héberger 200 millions de personnes. Le vice-premier ministre d'alors Li Keqiang explicite cette approche : « les villes nouvelles d’1 million d’habitants permettront de réduire le gaspillage de terrains agricoles dû à l’urbanisation périphérique et aussi d’enrayer la « maladie des mégalopoles » comme à Shanghai ou Pékin (il fait surtout référence à l’explosion du prix du m² que les dirigeants chinois veulent faire baisser par tous les moyens). Villes de demain, parce qu’il faudra bien loger tout ce monde. 

Elles sont des dizaines, réparties sur tout le territoire.

Tenez, je vous invite à en visiter une, qui est particulièrement chère à notre cœur : c’est une réplique de Paris ! Sur le web français, évidemment, le ton est à l’ironie et au soupçon : une réplique de Paris ? Mais qu’elle est moche ! Le vrai Paris est beaucoup mieux ! Pourquoi construire un faux Paris en Chine ? Evidemment « pour retenir les touristes et garder chez soi les devises » ! Il m’a fallu aller faire un tour sur l’internet chinois pour avoir le fin mot de l’affaire. 

Figurez-vous que cette ville, aimablement baptisée 天都城 (Capitale céleste), est en construction depuis 2007 et doit être mise en service en 2015. Pourquoi répliquer Paris ? Diable : ces villes-projets sont des projets immobiliers comme d’autres, il faut bien se distinguer un peu pour attirer les clients. Un autre projet imite Venise, un troisième s’inspirera de Berlin ou de New York… Les villes de demain veulent ressembler à leurs plus glorieuses aïeules. 

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