Début du voyage que vous propose Lee le sinologue de terrain : du Sud le plus torride au Nord le plus glacial, la Chine d'aujourd'hui et de demain.
Je ne sais plus qui a dit (mais c’est
clairement un génie, car il nous parle depuis l’époque de l’essor du chemin de
fer) « le train sera le transport du XXIème siècle, s’il survit au
XXème ! ». Bien vu, et c’est en train de se réaliser.
Le vingtième siècle a pratiquement tué le
train. L’avion, c’est tellement plus moderne, tellement plus prestigieux,
tellement plus cool ! Pas besoin d’infrastructures longues & coûteuses
à installer, on vous flanque un aéroport au milieu de la pampa, et hop ! V’là
le modernisme qui arrive. Adieu les trains, le Far West, tellement convenus,
tellement XIXème ! Ce n’est qu’à force de pratique que l’on a fini par
s’apercevoir des défauts de l’avion. Bruyant, compliqué, fragile, il requiert
une qualification fabuleuse de la part des personnels (maintenance, pilotage),
et une docilité sans faille des usagers. A l’heure du terrorisme qui frappe à
nos portes, c’est l’avion qui se retrouve premier visé. D’où un rituel de la
sécurité qui, nécessaire à la base, se développe rapidement en usine à gaz,
tutoie Ubu et explore la frontière de l’absurde, empile doublons &
triplons, petites vexations inutiles, fait perdre à tous un temps précieux.
Le train (pour l’instant) c’est quand même autre chose !
On arrive tranquilou en métro, on embarque sereinement sans passer par la case
garde à vue, sans interrogatoire serré sur le contenu de votre valise, sans
palpage méticuleux des fessiers et des adducteurs, sans les interminables
consignes de sécurité en trois langues (attachez vos ceintures, remontez vos
tablettes, éteignez vos téléphones, remontez votre hublot, croisez les doigts,
redressez vos sièges, ouvrez les yeux, les mains sur la tête / attention
j’en vois un qui ne suit pas là : « Monsieur, vous voulez que l’avion
y s’écrase ou quoi ? »). Y’a une prise pour recharger le portable,
les sièges sont larges, ils s’inclinent bien, on a de la place pour les pieds,
c’est LE PARADIS. En plus on voit du pays !
Avec un pays aussi étendu, on aurait pu
croire que les Chinois feraient le pari étasunien de l’avion, contrairement aux
Européens qui, beaucoup plus serrés, développent le train à grande vitesse
(enfin avec quelques combats d’arrière-garde, style Notre Dame des Landes).
Avec leurs gares connectées au métro au centre-ville et leurs trains très
rapides, les Chinois repoussent à 2000 km la distance à partir de laquelle
l’avion reprend l’avantage-temps. Ils ont raison, parce qu’avec un milliard de
citoyens de plus en plus accros à la bougeotte, ce n’est pas avec le tout-avion
qu’on allait s’en sortir. On croit les Etasuniens mobiles, en fait il n’y a pas
plus casaniers. C’est le bout du monde s’ils prennent l’avion trois fois par an
en moyenne. Et la plupart n’ont jamais mis les pieds dans un train. Ni à
l’étranger. Rien de tel ici : quand commencent les migrations
saisonnières, à nouvel An chinois et autour du 1er octobre, c’est quasiment
tout le monde qui traverse le pays en même temps.
C’est sympa, le voyage en train. On peut
manger, dormir, lire, regarder par la fenêtre, tout comme en avion, mais en
mieux. Il y a quasiment une petite stewardesse par personne pour vous apporter
de l’eau et veiller à ce que la courroie de votre sac ne dépasse pas du filet à
bagages. Viaducs, autoroutes, kilomètres de serres, canal, parking, par la
fenêtre, c’est la Chine en 3D ! Une photo du pays à 300 à l’heure. C’était
saisissant : partis de Pékin à 10h10 avec une petite couche de neige
grisâtre, on arrive à Guangzhou à 18h05 au milieu des palmiers, 2298 km plus au
sud. La seule chose qui n’a pas changé de la journée, c’est la brume.
La Chine est un pays brumeux,
malheureusement.
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