Suite du voyage que vous propose Lee le sinologue de terrain : du Sud le plus torride au Nord le plus glacial, la Chine d'aujourd'hui et de demain. Dernier jour à Shenzhen (深圳).
Le
programme s’emballe, les découvertes se bousculent, les nuits sans sommeil
succèdent aux périodes sans internet, le blog challenge s’essouffle et a du mal
à suivre. Mais bon tant bien que mal je vous tiens au fait des derniers
rebondissements avec de nouveaux thèmes qui surgissent à chaque coin de rue.
Finissons
le topo sur Shenzhen avant de revenir à Guangzhou (Canton). Je ne sais plus qui
disait récemment « Dans l’euphorie de la croissance économique, il n’y a
pas de peurs irrationnelles, pas de tabous qui tiennent, pas de culte excessif
du passé » (ha ben c’est moi ! Dans ma note précédente ! Y’en a
quand même un qui suit) : en Chine on glorifie le passé, les valeurs
ancestrales, la culture millénaire, tout ça. On adore tellement qu’on préfère
tout reconstruire à neuf. C’est à Shenzhen que c’est le plus flagrant :
les Chinois sont les rois du kitsch.
Entendons-nous
sur les définitions : le kitsch,
dans son acception habituelle, c’est un adjectif substantif péjoratif. C’est le
clinquant, le bling-bling, le strass & les paillettes. C’est le
tape-à-l’œil du m’as-tu-vu, la poudre aux yeux du parvenu. Dire « c’est
kitsch » c’est se placer dans la catégorie des esthètes et des érudits par
opposition aux goûts primitifs du vulgus
pecum.
Kitsch :
le mot est allemand (enfin semble-t-il), mais la chose est chinoise. Se hausser
du col, imiter ce que l’on admire sans entièrement le comprendre, reproduire
les signes et se targuer « d’en être ». Imitation et mimétisme.
Exagération et caricature. Les tenues de clown « à l’occidentale »,
les lunettes de plastique monstrueusement colorées sans verres correcteurs, les
cérémonies de mariage avec costumes & paillettes dans de fausses églises,
Sino-Star’Ac, les faux i-Phones et les fausses Rolex, composent la Chine. La
décomposent. La recomposent.
Et c’est
en Chine, pays du kitsch, qu’on est bien forcé de voir que ça peut être un art.
Je vous
parlais des ruelles anciennes nouvellement construites à Pékin et ailleurs. Je
vous parlerai de ces hutongs
reconstruits avec des matériaux & des techniques traditionnels. A Shenzhen,
ce qu’il faut voir, ce n’est pas la vieille ville (pas encore construite),
ce ne sont pas des quartiers d’affaires (qui ressemblent trop à ceux de Hong
Kong et de Londres), ni les jardins botaniques (des morceaux de forêt vierge déflorée),
ni les musées (malheureusement pas eu le temps d’y jeter un coup d’œil). Ce
sont les parcs éducatifs, paradis du kitsch ethnographique. Il y a l’immense
parc des ethnies de Chine et celui, plus grand encore, des peuples du monde.
Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas du carton-pâte, ni un exposé
scientifique. C’est vraiment une tentative de transmettre du ressenti.
Sélective, bien sûr. Partielle, évidemment. Réductrice, approximative, naïve
parfois. Mais quand même : matériaux, échelle, techniques employées,
couleurs, matières, c’est vraiment du travail soigné. Le touriste n’est pas
forcément ethnologue professionnel, mais on n’est pas forcé de le traiter en
bourrin non plus. Je vous parlais tantôt de l’amour du détail, du fignolage
typiquement chinois : on les voit ici à l’œuvre. Du bon boulot.
L’exposition coloniale 2020 à Pékin ? (on l’aurait bien mérité, avouez).
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