Dernière étape du voyage que vous propose Lee le sinologue de terrain : du Sud le plus torride au Nord le plus glacial, la Chine d'aujourd'hui et de demain : Harbin (哈尔滨).
Vraiment
une grande et belle rivière, cette Songhua ! Je vous dis rivière, mais ce
n’est pas sans un pincement au cœur : c’est géographiquement parlant une
rivière, puisqu’elle se jette dans un autre cours d’eau et non dans la mer.
Mais n’allez pas vous imaginer un ruisseau ! Ici, en Sibérie, les rivières
sont immenses & majestueuses. Comme l’Irtych ou l’Angara, la Songhua est
bien une rivière, mais qui représente
l’équivalent en débit de tous nos fleuves additionnés. Pas étonnant : elle
draine sur une distance de 1900 km un bassin grand comme la France, avant de se
jeter dans l’Amour qui matérialise la frontière avec la Russie. L’hiver, la
surface gèle sur une épaisseur d’un mètre et la rivière se couvre de promeneurs
qui traversent pour aller visiter les îles Taiyang (太阳岛) qui
constituent à la fois le centre, le poumon, la zone verte, et le parc des
expositions de la ville. Justement l’île où l’on visite le fameux parc des
sculptures de glace qui s’étend sur des centaines d’hectares. Sur la rive de
l’île, une sorte de carrière géante : c’est là que l’on découpe les blocs
de glace qui vont servir à construire, chaque année, les magnifiques édifices
et les sculptures illuminées du parc.
Le
Festival de la Neige et de la Glace (雪冰节) : ça rappelle un peu le parc des monuments à
Shenzhen, puisque les édifices s’inspirent des chefs-d’œuvre mondiaux, mais
l’interprétation est quand même beaucoup plus libre. Il faut dire que les
propriétés de la glace ne sont pas forcément les mêmes que celles du marbre ou
du béton... Et puis il faut faire place aux sponsors : on trouve une
énorme bouteille de Harbin Beer, une autre d’Ergoutou, et puis une sculpture
géante en neige à l’effigie des héros de l’Age de glace, le dessin animé de (Pixar ?
Disney ?) Je craignais que la visite se termine avec engelures et doigts
gangrenés, mais en fait non. D’une part il ne faisait pas si froid que ça,
d’autre part le parc est parsemé de petits cafés vitrés et chauffés où l’on
peut se poser un instant pour boire un thé et reprendre quelques couleurs.
Vestige
de la période russe : l’architecture stalinienne. Le centre-ville est
couvert de bâtiments en brique au style distinctement russe ; les quelques
rues piétonnes autour de la rue Centrale (中央大街, appelée
‘rue chinoise’ à l’époque russe) rappellent clairement le style de la rue de
l’Arbat à Moscou, ce qui justifie le surnom de la ville. Et le nom de notre
hôtel : Hôtel de l’Amitié. Référence à l’indéfectible amitié qui lia la
Chine à son grand frère russe (d’ailleurs l’énorme ambassade chinoise à Moscou
est elle aussi sise sur la rue de l’Amitié) dans les années Staline. On a ici
un souvenir ému du « Petit père des peuples » : Harbin est
probablement la seule ville au monde où le PPP dispose d’un parc à son nom. Le
parc Staline (斯大林街) est une magnifique promenade pleine d’arbres, qui
surplombe la rivière et offre une vue imprenable sur les îles. Sur la rive,
quelques attractions s’offrent aux touristes, notamment un centre
d’entraînement au pilotage de chars, avec des petits tanks diesel que l’on peut
faire évoluer dans un labyrinthe de murs de glace, et des balades en
hydroglisseur (qu’on peut piloter soi-même moyennant un supplément).
Le Parc
Staline comprend une petite maison de style européen bourrée d’antiquités
russes, de portraits et de photos, qui vient d’être transformé en restaurant
classe par notre ami Xiabing qui se jette sur nous dès notre arrivée. Affable
& prévenant, Xiabing nous propose, pour notre dernière soirée avant le
retour à Pékin, un menu « découverte » que nous nous empressons
d’accepter.
Le menu
découverte de Xiabing : la cuisine de Harbin diffère sensiblement de celle
de Hailar. L’influence russe, peut-être, ou alors l’omniprésence de la
Songhua ? C’est un menu poisson que l’on nous propose, avec un poisson de
rivière grillé et délicieusement caramélisé (je serais bien en peine de vous
dire de quel modèle il s’agit, peut-être est-ce une espèce locale ?), puis
un poisson de mer plat en forme de losange, cuit à la vapeur et délicatement
assaisonné. Plus une tripotée de petits plats façon zakouski histoire de ne pas
nous renvoyer dans le froid le ventre vide.
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