Y’a rien
à voir à Kunming, me disait-on ; le guide du routard opine :
« Kunming n’est qu’un point de transit, etc ». C’est vrai, Kunming ne
vous balance pas son histoire à la figure. Arrière-cour de la province lointaine,
cinquième roue du carrosse chinois, balafrée par les chantiers « Kunming
du XXIème siècle » en retard, elle fait un peu pitié au premier abord.
A peine
arrivé, je viens de vivre une expérience qui contredit tout ce que je
disais sur la Chine et le tourisme : en contradiction avec les merveilles
que m’avaient fait miroiter l’éloquence du préposé de l’aéroport, je me
retrouve dans un boui-boui assez miteux, dépourvu d’internet (d’où silence
radio momentané). Le métro, déjà porté sur les cartes, et déclaré en service
par Wikipédia, n’existe pas encore !
Témoin des ambitions métroistiques de
la capitale du Yunnan, la ville est bouleversée de tous côtés par d’énormes
chantiers. Rues barrées, avenues éventrées, immeubles détruits, on se croirait
à Beyrouth. Après des recherches poussées, je vous informe que la pratique
courante partout en Chine du vélo de location n’existe pas à Kunming. Les taxis
sont eux aussi à employer avec modération à cause des embouteillages absolument
faraminesques. Restent l’option à pinces (j’ai dû faire 30 ou 40 kilomètres en
2 jours, sans mentir), et puis quand les pieds en sang, je ne pouvais plus
faire un pas j’ai eu recours à l’électro-moto-taxi.
Ça
commence à se moderniser : on vient par exemple d’inaugurer le nouvel
aéroport, immense, propre comme un sou neuf, quatrième (dit-on) du pays en
capacité passagers. Pas mal pour une petite ville de 6 millions et demi
d’habitants, la quatorzième du pays !
Rien à
voir mais tout à entendre ! Jamais je n’ai entendu autant de dialectes
régionaux : il y en a des gutturaux, des râpeux, des chuintants, des
chantants. Explication : royaume de la diversité, le Yunnan s’enorgueillit
d’abriter pas moins de 26 minorités ethniques, qui ont donc chacune leur
culture, leurs traditions et leur dialecte.
C’est la
loi des pays montagneux : le compartimentage naturel, les micro-climats,
les différents ensoleillements, font que la culture qui marche ici ne marche
pas là, ou alors que les us & coutumes adaptés ici sont différents de ceux
qui conviennent là. Il y a les Yi, les Bai, les Miao, les Hui, les Lisu, les
Zhuang, les Dai, et surtout les Naxi. Avec leurs langues, leurs alphabets,
leurs costumes, leurs traditions, leur histoire, comme en témoigne le musée
anthropologique, petit et sans prétention, coincé dans le beau campus de
l’Université du Yunnan. Deux salles et une enfilade de couloirs pour exposer
quelques reliques et photos datant du début du XXème siècle (je vous laisse
examiner les photos).
Le temple
bouddhiste Yuantongsi 圆通寺 reflète
bien cette diversité de cultures et de croyances : il regroupe en quelques
bâtiments des styles très divers. Difficile de dire ce qui est le plus ancien,
apparemment différents éléments ont été rajoutés au fil des siècles ; il
ne reste sans doute rien du temple des origines, fondé il y a 1200 ans. On voit
des lions de style thaï (la Thaïlande a d’ailleurs financé une partie des
travaux de restauration), des toits ronds & pointus à l’indonésienne,
évidemment des portails multicolores qu’affectionnent les Chinois…
Un peu
plus au Sud, on trouve les pagodes de l’Est东寺塔 et de l’Ouest 西寺塔, qui faisaient à l’origine partie de deux temples
éloignés de 200 mètres l’un de l’autre, construits entre 824 et 859. La pagode
de l’Est est toujours debout depuis la dynastie Tang, tandis que sa voisine de
l’Ouest s’est écroulée en 1833 lors d’un tremblement de terre. Elle a été
reconstruite à l’identique en 1882 (dans le style Tang : je me focalise
peut-être sur un détail mais je vous le livre brut de décoffrage. La nouvelle
dynastie, celle des Qing, est celle des Mandchous du grand nord, qui ont envahi
Pékin en 1644. N’est-il pas admirable qu’ils reconstruisent la pagode démolie
dans son style original au lieu d’essayer d’imposer un style moderne ?).
L’une comme l’autre des pagodes contiennent des inscriptions bouddhistes en chinois
et en sanskrit, signe, ici encore, des échanges culturels de
l’époque (architectes ou artisans venant d’Inde?).
Le passé n’était finalement pas si différent que ça du présent…
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